Georges Castera… Figure emblématique de la littérature haïtienne. Il suffit de peu pour que sa prose se transforme en fleur et en fleuve. Présent dans la plupart des anthologies dédiées à la poésie haïtienne, le poète Georges Castera Fils est l’un de ceux dont la vie se confond avec un poème éternel. Une « Certitude » à lire d’un bout de souffle, point captif de ceux ou celles qui ont une passion pour les mots
Ce n’est pas avec de l’encre Que je t’écris
C’est avec ma voix de tambour
Assiégé par des chutes de pierres
Je n’appartiens pas au temps des grammairiens
Mais à celui de l’éloquence
Étouffée
Aime-moi comme une maison qui brûle
Grande figure de la poésie haïtienne, Castera a marqué plusieurs générations et a grandement contribué à la promotion du genre poétique en Haïti. Dès son plus jeune âge, il commence à écrire et ses premiers vers apparaissent dans les colonnes des journaux de Port-au-Prince dans les années 50. Écrivant en créole, en français et plus tard en espagnol, Castera reste fidèle à lui-même, suivant le rythme de ses inspirations et de ses combats.
Sou lanmè, pwèl ou tounen vwèl
Nan syèl, yo tounen lakansyèl
Poète…Poète…Poète
En 1976, son premier recueil « Konbélann », après « Klou Gagit » (1965) et « Bwa Mitan » (1970), est considéré comme « l’amorce d’un art poétique créole », représentant un tournant pour la langue créole qui, dans les années 1950, n’était pas encore pleinement reconnue par les élites. Militant de gauche, Georges Castera a traduit clandestinement du français au créole et de l’espagnol au créole de nombreux textes politiques, tels que des programmes de partis, des journaux, des communiqués, des films documentaires, des poèmes, et bien d’autres encore. Entre engagement politique, promotion de la langue et exploration poétique, l’œuvre de Castera suit son propre cours à travers le temps. L’écrivain Lyonel Trouillot, dans la préface de « L’encre est ma demeure », présente la poésie de Castera comme une vague rebelle :
L’œuvre de Castera, imprégnée d’une profondeur portée par les mots du quotidien, suscite l’admiration. Comme le dit l’adage, la poésie parcourt les rues ; à nous de la saisir pour alléger le poids de la vie quotidienne.
À chaque question que tu poses à la vie
notre amour est la bonne réponse” (Castera/Le Trou du souffleur)
Son œuvre est aussi une révolte contre l’injustice, la misère et la répression, tout en étant un hymne à l’amour et au désir.
Je t’écris pour te dire
que je vis à fleur d’encre
dans une ville de béton armé
On tire lamentablement dans ma rue
Dire et déjà trop dire
le bonheur sous chloroforme.
Vivant au gré de ses passions, Castera a su chevaucher l’arc-en-ciel et danser avec les étoiles. Poète éternel, à la question « Que peut la littérature au drame haïtien? », il répondrait « rien, mais surtout Ne Pas se taire! »
Né le 27 décembre 1936 à Port-au-Prince, Georges Castera est décédé le 24 janvier 2020 à l’âge de 83 ans, chez lui à Pétion-Ville, laissant derrière lui une œuvre colossale.
Francois Nedje Jacques
Féru de la culture et de littératures fantastiques; Pour Nedje le livre est une porte ouverte sur soi et sur le monde avec des couleurs et des zestes d’espoir. Opérateur culturel, il croit fermement qu’un plus large accès à l’information et à la culture contribuera fortement à l’équilibre de notre monde!