Il était trois heures huit environ lorsque la lumière de la scène s’est allumée, révélant Daniel Marcelin allongé par terre et un Syto Cavé, assis à un petit bureau servant également de table de travail. Le décor, simple mais évocateur, annonçait déjà une intimité quotidienne sans pour autant étouffer la magie créatrice du poète et dramaturge Syto Cavé.
Le silence a repris ses droits, interrompant les conversations animées qui précédaient la présentation. Les conversations ? Les salles sont aussi des espaces privilégiés de connexion ou reconnexion. En attendant « Quelque part en décembre » texte écrit et mise en scène par Syto Cavé pour cette 21e édition du Festival Quatre Chemins, on parlait de Jérémie et de cet homme décédé la veille, dont on n’ose pas citer le nom, et du devoir de mémoire en Haïti. On discutait également des défis liés à la réalisation du Festival dans le contexte actuel du pays. Un véritable Festival de résistance !
Acte de résistance
Un acte de résistance, pour les artistes comme pour chaque spectateur et spectatrice. Sur scène, Daniel Marcelin incarne cette tension, clamant d’un regard vide qui traduit son ras-le-bol face à une situation insoutenable. Pour nous, spectateurs ou lecteurs, son cri semble dire : sortir ou rester chez soi, à Port-au-Prince, c’est RISQUER DE MOURIR.
La pièce s’ouvre sur une note intime : une confidence. Syto Cavé partage son initiation au théâtre et rend hommage à Bernard Sarrette, fondateur du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique en France, qui lui a fait découvrir et aimer cet art.
Avec deux Comédiens et une comédienne, « Quelque part en décembre » est une envolée dans le temps, une œuvre où Syto Cavé dévoile, une fois de plus, son secret de regard eternel. Un homme qui déclare sa flamme. Un homme qui se parle à lui-même. Un homme qui a peur. Un homme qui espère. Un homme qui questionne. D’une simple bicyclette hybride, « moitié cheval, moitié vélo », comme il le dit, à la mort d’un président mais surtout à l’acte d’aimer et de vivre. L’histoire c’est aussi une invitation à regarder le Port-au-Prince des derniers jours.
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Et voilà, le Clap de fin. Hop ! crie Daniel Marcelin. Le comédien, fidèle à lui-même, a livré une performance magistrale. Le public n’attendait que ce moment pour exprimer son admiration dans un tonnerre d’applaudissements, au rythme des sourires sur chaque visage. Cet après-midi du 3 décembre, à Vivano, le théâtre a joué, encore une fois, son rôle de pont entre les cœurs et les générations, dans le cadre de la 21e édition du Festival Quatre Chemins.
Francois Nedje Jacques
Féru de la culture et de littératures fantastiques; Pour Nedje le livre est une porte ouverte sur soi et sur le monde avec des couleurs et des zestes d’espoir. Opérateur culturel, il croit fermement qu’un plus large accès à l’information et à la culture contribuera fortement à l’équilibre de notre monde!