Le poète et journaliste Georgy Lundy s’est penché sur le premier recueil de poèmes Ni pays, ni exil de Ricardo Boucher. Avec une prose fluide et empreinte d’harmonie, il offre un hommage subtil qui révèle des trésors cachés, perceptibles uniquement aux lecteurs les plus attentifs. Il y va sans permission et sans détour …
Nous les avions si souvent vus ou lus sur les murs à Port-au-Prince : un titre, une phrase, un slogan fracassant, un mot qui, selon notre humeur peut nous renverser ou nous chavirer face bas ; ou d’autres fois juste un p’tit truc pouvant nous secouer dans nos illusions, éveiller nos consciences dans le confort de nos vies où parfois nous déambulons clopin-clopant dans nos bottes de faire semblant.
Entre révolte et dénonciations, cris de cœur, rage, colère, deuil, sincérité, liberté et/ou l’espoir d’un avenir meilleur. Les empreintes de ce poète Pyepoudre sont facilement détectables. Il en a fait des murs de sa ville son cahier de décharge. Il les a transformé en son propre calepin à lui tout seul, pour écrire et réécrire au brouillon ses devoirs de maison. Ses devoirs de poète. Même ce qu’il nous reste de trottoirs dans cette ville ne peuvent ni oser, ni prétendre, qu’elles connaissent les rues de la Capitale mieux que ce Monsieur.
La poésie, la poésie, la poésie…!!!
Rien que pour me secouer parfois dans mes moments de profond silence, il m’arrive d’entendre cette voix qui résonne quelque part en moi. Sa voix.
Il y a de ces voix qui peuvent percer les tympans de l’âme sans les saigner, mais pas sans conséquences.
La poésie de Ricardo Boucher déambule, défile, pullule nos rues. On les trouve partout. Il nous offre la poésie à portée de main, visible dans tous les coins et recoins où il a mis ses pieds. Il les porte dans ses dreadlocks toujours dressés contre ce système qui, semble t-il, a été campé pour nous écraser tous, comme le fait ce train sans frein de la mort qui n’épargne personne dans cette capitale, si nous ne faisons rien contre lui. Mais qui peut l’arrêter, ce train? Qui va l’arrêter? Qui l’arrêtera? Les poètes ou les citoyens conscients/engagés? Que peut la poésie dans tout ça? Si seulement je pouvais répondre…
En parlant des mots de Ricardo qui exposent nos maux ; les voilà enfin hors les murs, dans un recueil, baladant entre mes mains depuis hier, que j’égrène comme un chapelet de mots sensibles avant la dernière secousse qui mettra à genoux une cathédrale de souvenirs. J’ai pris tellement de plaisir à lire ce texte, que je l’ai glissé à nouveau dans mon sac ce matin. Une énième lecture n’a jamais tué personne!
Chapeau l’artiste! Chapeau le poète!
Je connais un pays où il est très mal vu par certain, qu’un homme exprime son admiration à vive voix pour un autre homme, et même parfois pour ce qu’il fait. Alors je te fais un geste avec le cœur sur la main, dirait Castera. Un geste empreint d’amour et de générosité, au nom d’une chose qui nous relie, qu’on surnomme poésie. Ici on tente de tout nommer. On nomme tout.
Et puisque nous perdons de plus en plus la liberté d’utiliser le verbe aimer comme beau nous semble, je vais essayer de prendre un prétexte pour te remercier tout simplement pour je ne sais quelle raison. Ah non! J’en ai au moins une raison moi. Ma raison.
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Ricardo, merci pour « ni pays ni exil » qui m’accompagne depuis la terrasse de ce Café-Bar où je viens de lire « debout camarades » le cœur lourd, les yeux embués de larmes, « en attendant l’aube » d’un lendemain ayant l’espoir pour unique signature.
Encore une fois merci l’artiste! Chapo ba!
Georgy Lundy
Poète, artiste performeur et activiste politique, Ni pays ni exil, paru chez Legs Edition est le premier recueil de poèmes de Ricardo Boucher
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