« Il arrive, une fois tous les dix ans et peut-être moins, qu’en lisant un poète inconnu, on reçoive un choc qui, soudain, vous fait éprouver la différence entre la littérature appliquée, intelligente, digne de tous les éloges, et le génie à l’état sauvage… Davertige peut commettre des erreurs et écrire dans une impatience rageuse qui est le contraire de l’art. Qu’importe ! Ce qui est certain, c’est que son recueil contient onze ou douze poèmes d’un élan extraordinaire, d’une originalité toujours fulgurante, d’une imagerie à faire trembler le lecteur… d’ores et déjà, Davertige est l’un de nos rares poètes. » Écrivait le poète Alain Bosquet dans sa préface à « Idem et Autres Poèmes » (1964).
De simples mots qui en disent long sur un poète qui a su danser avec le monde. Villard Denis, connu sous le nom de plume Davertige, fait partie des rares hommes qui ont su allier liberté et passion de vivre. D’une profondeur immense, la poésie de Davertige traverse le temps tout en le défiant d’un sourire. C’est l’histoire d’un homme. C’est l’histoire d’une vie. C’est l’histoire du monde. C’est surtout l’histoire d’un instant capté dans un poème. Un créateur d’éternité. Une invitation à visiter une ville façonnée par un regard amoureux.
Un regard partagé par l’éditeur et poète Rodney Saint-Elois qui témoigne en l’honneur du poète avec ces mots :
« En relisant ces poèmes, je me suis rendu compte que Davertige, tout comme Pessoa, garde la digne discrétion de l’homme qui se perd vite dans la foule, tout en « portant en lui tous les rêves du monde ». Cette Anthologie secrète est un acte de silence, comme le furent la poésie et « La légende de Villard Denis ». La vérité est que toute parole appartient au vent, mais que le vent qui la vole sait également la ramener au port. »
Rodney S.E
Né le 2 décembre 1940 à Port-au-Prince, Davertige, dès l’âge de douze ans, poursuit ses études secondaires aux Cours privés Simon Bolivar, tout en fréquentant le Centre de céramique de l’Éducation nationale où il travaille avec le peintre et céramiste Tiga. En 1954, il rejoint le Foyer des Arts plastiques et entame son apprentissage sous la direction du peintre Dieudonné Cédor, qu’il considère comme son maître. À dix-sept ans, il écrit ses premiers poèmes tout en s’engageant activement dans la lutte des étudiants en tant que communiste. En février 1958, Villard Denis expose ses premières toiles à la Société nationale d’art dramatique (S.N.A.D.). Un an plus tard, il présente ses premiers poèmes sous le pseudonyme de Davertige. Il fait la rencontre de Roland Morisseau et se lie d’amitié avec le poète René Philoctète à la suite d’une séance du groupe littéraire Samba. Ce groupe de poètes – Roland Morisseau, René Philoctète, Davertige, Serge Legagneur, Anthony Phelps, Auguste Thénor – deviendra Haïti Littéraire.
Après l’arrestation de son ami Jacques Duvieulla, Davertige trouve refuge chez une amie de son mentor Cédor, en banlieue de Port-au-Prince. C’est à ce moment-là qu’il écrit son recueil « Idem », qui est publié en 1962 aux éditions de l’Imprimerie Théodore à compte d’auteur, avec une préface du poète Serge Legagneur, dans la collection Haïti Littéraire. Le critique Maurice Lubin, lors d’un séjour à Paris, fait circuler les œuvres du groupe Haïti Littéraire et envoie une copie d' »Idem » au poète Alain Bosquet, qui salue le génie de l’auteur dans le journal Le Monde. Quelques mois plus tard, Davertige fait un bref séjour à New York dans l’intention d’explorer l’Europe, mais il reste finalement un an dans la ville. Il arrive à Paris en 1965, où les écrivains français lui rendent hommage en mettant en scène « Idem ».
De 1967 à 1973, il fréquente régulièrement le poète Gary Klang et côtoie des intellectuels haïtiens de Paris tels que Gérard Aubourg, Daniel Arty et Jean-Claude O’Garo. Il participe également aux activités politiques avec le groupe gauchiste F.A.R.H. À cette époque, il rencontre Hérard Jadotte, éditeur de la maison d’édition Nouvelle Optique, qui l’invite à s’installer à Montréal. Il s’y établit en 1976.
Dix ans plus tard, il retourne en Haïti et y séjourne pendant six mois. En 1999, invité à exposer ses œuvres, il retourne à Port-au-Prince à l’occasion de la Rencontre des ministres latino-américains. En 2003, il réécrit la plupart des poèmes d' »Idem », dessine et publie ses œuvres chez Mémoire d’encrier, sous le titre « Anthologie secrète », lancée au Salon du livre de Montréal en novembre 2003.
Davertige (Villard Denis) est décédé à Montréal le 25 juillet 2004.
Francois Nedje Jacques
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